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My own private keepsake
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#greghousediary : en route vers las vegas (fin)

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#greghousediary : en route vers las vegas (fin)
En route vers Las Vegas (fin)

Lorsque Cuddy vint m’ouvrir sa porte vers les deux heures, elle avait l’air terriblement surprise. Il est vrai que suite à la teneur de nos derniers échanges, elle devait s’attendre à tout sauf à me trouver là, au beau milieu de la nuit.

Elle portait un peignoir de soie grège qu’elle avait noué à la va-vite par-dessus une nuisette. A l’intérieur de sa chambre, dans la pénombre, je percevais le son de la télé qui diffusait en sourdine un vieux concert des Doors. Sur la table basse, à côté du lit, une bouteille de vodka à moitié vide trônait à côté de deux verres.

« Si vous n’êtes pas seule, je peux revenir plus tard…

En guise de réponse, elle s’effaça pour me laisser entrer. Lorsqu’elle eut refermé la porte derrière nous, j’ôtais mon blazer que je laissais choir sur le sol, ouvris le col de ma chemise et, appréhendant le seul verre vide, allais m’asseoir sur l’une des chauffeuses qui entouraient la table. Le regard interrogateur de Cuddy ne me lâchait pas.

- Je crois que nous pouvons trinquer, ai-je annoncé en nous servant une généreuse rasade de vodka.

Son visage s’est soudain éclairé. Elle vint s’asseoir à mes côtés. Son œil sondait le mien tandis que je lui faisais un récit détaillé de ma victoire au Stardust. Je finis par me détendre et retrouver en sa compagnie la même complicité que celle que nous avions pu partager dans les montagnes du Trading Post.

Lorsque j’abordais franchement l’épisode où j’avais tenté le tout pour le tout, en repensant aux conseils qu’elle m’avait prodigués deux jours auparavant, elle secoua la tête en souriant :

- Je ne pense pas vous avoir été d’un si grand secours, a-t-elle nié. Vous n’avez jamais cessé de croire en vous, dans le fond. Vous avez juste temporairement perdu conscience de cette force qui vous anime depuis l’enfance.

Et comme je demeurais pensif, tripotant silencieusement mon verre, elle m’éclaira :

- Certains dons ne sont pas le fruit du hasard. Vous avez sûrement déployé beaucoup de génie pour vous construire en vous opposant à votre père. J’imagine que ça n’a pas toujours été une partie de plaisir, que ce climat de tension qui régnait chez vous a fait que vous avez dû utiliser beaucoup de chemins détournés pour parvenir à être vous-même. Aujourd’hui, votre réussite marque un tournant décisif dans cette individualité que vous revendiquez depuis le début…

Comment ne pas lui donner raison ? John House avait orienté sa carrière autour de meurtres organisés, frappés de l’estampille gouvernementale. Au milieu des récits de guerre qui avaient bercé mon enfance, quel autre choix s’était imposé à moi que celui de sauver des vies humaines ?

- Au tout nouveau House, ai-je dit en levant mon verre.

Elle a ri. S’est glissée vers moi de cette manière si féline pour choquer son verre contre le mien. Je n’ai pu m’empêcher d’admirer les douces courbes de sa silhouette, cette grâce naturelle peu encombrée de frivolités, la sensualité émanant de chacun de ses gestes. A la télé, Jim Morrison entonnait le dernier couplet de Light my fire. Sans nous lâcher du regard, nous avons bu une gorgée d’alcool. Je me suis laissé aller sur le dossier de mon fauteuil avec un soupir.

- Et vous ? Vous n’êtes pas allée tenter votre chance au casino, avec Prescott ? Ai-je demandé.

Elle eut l’air surprise, et sûrement un peu gênée.

- Nous sommes sortis en ville pour dîner et avons terminé la soirée ici. John venait juste de partir lorsque vous avez frappé…

Malgré la pénombre, je pouvais percevoir son expression embarrassée, le mouvement que ses cils effectuèrent en se baissant pour éviter mon regard. Je me penchais légèrement en avant pour la scruter, m’amusant –en apparence- de son trouble.

- Depuis quand appelez-vous Prescott par son prénom ? Ai-je demandé, un sourire tendu sur les lèvres.

Elle s’est redressée, tentant de retrouver un peu d’assurance.

- Depuis qu’il est le seul à m’appeler par le mien, et surtout qu’il est le seul à se soucier de comment je passe mes soirées… répondit-elle d’un ton sec.

Un crépitement d’applaudissements mêlé de huées accueillit cette remarque. Le public se déchaînait sur un solo d’orgue de Manzarek tandis que Jim se déhanchait lascivement contre son micro.

- Voyez-vous ça, ai-je lâché avec ironie. Cuddy exige de la prévenance de la part de ses adorateurs. Même les civilités les plus intéressées font l’affaire apparemment. Notre collégienne manquerait-elle de discernement malgré sa grande expérience des mâles ?

Sa réponse ne se fit pas attendre, toutefois sans se départir de son calme, un sourire narquois au coin des lèvres :

- Je comprends maintenant pourquoi le Grand House ne garde pas ses call-girls plus d’une heure… Même la plus intéressée des civilités vaudra toujours plus cher que la goujaterie d’un mufle égocentrique.

Je me levais, fermement décidé à quitter les lieux, et lui balançais, tout en me dirigeant vers la porte :

- Justement avec ce que je viens de gagner, je peux me payer non seulement le luxe de me passer de vos conseils, mais en plus celui d’une bien meilleure compagnie. Du genre, qui se donne sans compter surtout s’il y a des billets à la clef…

C’est alors que sa voix railleuse résonna dans mon dos.

- J’avais entendu dire que vous étiez plutôt du genre à devoir de l’argent qu’à le distribuer… J’ai d’ailleurs pu vérifier par moi-même le bien fondé de tous les ragots de campus…

Je me retournais pour lui faire face. Elle s’était levée et me toisait avec dédain. Je fouillais mes poches avec des airs d’homme d’affaires pressé par le temps.

- Voilà, dis je en glissant une liasse de billets dans son décolleté. Il y a même les intérêts. Vous pouvez maintenant colporter le bruit que parfois je paye sans consommer.

Je fis volte face et atteignis la porte. C’est alors que s’interposant, elle m’en barra le passage.

- Vous ne me trouvez donc pas à la hauteur de mes 500 dollars ? » Me lança t-elle avec ironie, et ma foi, un brin de provocation.

A la seconde où elle prononça ces mots, elle se mordit la lèvre. Il me sembla même que son visage s’était légèrement empourpré. Je baissais les yeux et mon regard porta naturellement sur la manière dont sa poitrine se soulevait rageusement sous l’effet de la colère. Au cœur même de ce moment d’extrême tension, je ne pouvais m’empêcher de la trouver désirable, et cet état de fait ne lui échappa –sans doute – pas.

Je guettais le moment où elle se détournerait de moi, ou même la gifle fatidique qui viendrait me récompenser de mon impudence. Sa main s’était levée, immobilisée à quelques dizaines de centimètres de mon visage et son regard intense affrontait le mien. Je saisis fermement, mais sans brusquerie, son poignet et la dissuadait ainsi d’accomplir ce geste. Plaquant son corps entre le mien et la porte à laquelle elle était adossée, je pouvais percevoir sa respiration devenue courte. Elle me dévisageait avec une défiance pleine d’appréhension.

Nous aurions été bien en peine de savoir qui de nous deux en avait pris l’initiative, lorsque nos lèvres se rencontrèrent avec une brutalité inouïe. Son poignet résista encore quelques temps dans ma main, puis lorsque notre baiser se fit plus profond, que nos souffles se mêlèrent, elle céda, glissa sa main sur ma nuque pour me retenir contre elle. Quand enfin, nos langues se frôlèrent, un long frisson parcourut son corps. Sans cesser de l’embrasser, je dus pour ainsi dire la soutenir sur les quelques pas qui nous séparaient du lit. Agrippant le col de ma chemise, elle m’y entraîna dans sa chute, sans que nous ne puissions ni l’un, ni l’autre, reprendre haleine une seule seconde.

***

Je n’ai aucune envie de retranscrire ici ce qu’a été notre nuit. Vous comprendrez aisément que ce moment nous appartienne. A vrai dire, nous ne l’avons que très rarement évoquée, même plus tard, dans l’intimité. La suite du récit vous permettra peut être de saisir l’essence des obstacles relationnels que nous rencontrons parfois, elle et moi. Disons, que si je ne me sens pas vous devoir toute la vérité, je vous en dois au moins une partie. Tant pis pour le serment que je lui fis cette nuit là, sur l’oreiller. Elle ne pouvait déjà ignorer que ma parole d’homme n’avait qu’une durée limitée dans le temps.

***

« Bon, ce n’était pas la fin du monde. Nous y avons survécu, non ? Ai-je ironisé, quelques heures plus tard.

J’ai deviné qu’elle protégeait instinctivement son visage lorsqu’elle aperçut dans le noir le bout incandescent de ma cigarette qui fondait vers elle comme une météorite. Aux bruits feutrés de tapotements qui s’ensuivirent, elle comprit que j’avais atteint mon but. (Elle devait d’ailleurs m’en faire la remarque un peu plus tard : Tu atteins toujours tes buts ! - d’un ton mi-agacé, mi-admiratif) et que j’écrasais consciencieusement le mégot dans le cendrier.

- Survécu est un bien grand mot !

Elle s’étira langoureusement en grognant d’aise, elle sentit que je cherchais à glisser un bras sous sa nuque et elle m’y aida en relevant un peu la tête. Je jouais alors avec ses cheveux, entortillant par pur réflexe quelques mèches autour de mon index.

- Si on m’avait dit ce matin …Plaisanta t-elle. Tu sais, même Prescott finalement… Même lui ne voyait rien venir…

- Prescott n’est qu’un abruti, répliquais-je. Un abruti avec un quotient intellectuel de …

Le claquement caractéristique d’une pichenette résonna dans l’obscurité. Sa main venait de frapper légèrement mon bras.

- Ne sois pas si moqueur !

J’admis que j’avais tort, que c’était le jour rêvé pour me débarrasser de mon bon vieux cynisme, mais que le fait de lui avoir fait l’amour n’allait pas pour autant me réconcilier avec l’ensemble des abrutis de la terre.

- Même s’il s’agissait d’un privilège… Ai-je murmuré pensivement.

Elle avait glissé un bras autour de mon torse et effectuait du bout des doigts quelques petits cercles sur ma peau. Lorsqu’elle entendit ma remarque, sa main s’immobilisa. Le silence qui s’installa entre nous sembla durer une éternité. Histoire de sortir de cet état de torpeur dans lequel nous étions plongés, je posais simplement ma main sur la sienne et l’enveloppais d’une pression rassurante :

- Lisa, commençais-je péniblement… Pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant ?

Rien en elle ne pouvait laisser supposer le moindre malaise, et pourtant, à la manière dont son souffle haché chatouillait mon cou, je devinais qu’elle était tendue.

- Il était utile que je le fasse ? Me répondit-elle avec une surprise feinte.

- Peut-être que tu pensais que je ne m’en rendrais pas compte… Ai-je hasardé. Mais tu sais, je suis médecin, et…

- Par pitié, Greg, a-t-elle protesté. Ce n’est pas à la science que je viens de donner mon corps, c’est à toi ! Il y a un excellent planning familial à l’université, alors épargne toi la peine d’une consultation gynécologique. Je savais ce que je faisais.

Sa voix était douce mais ferme. Je soupirais profondément, en proie à une foule de sentiments contradictoires. Elle resserra un peu son étreinte autour de moi et me murmura tendrement à l’oreille :

- Ne t’en fais pas. Je t’assure que c’était parfait… Je parie que beaucoup de premières fois sont rarement aussi parfaites…

Je laissais échapper un petit rire, presque malgré moi.

- Tu permets qu’on en reparle plus tard ? Disons, lorsque tu auras d’autres bases de comparaison ?

J’eus conscience que mon allusion n’était pas des plus adéquates, et le moment mal choisi. Je me tournais légèrement vers elle, de manière à ce que nos visages puissent se faire face. Son bras libre enveloppa mon épaule et elle vint caresser doucement mes cheveux.

- Je sais ce que tout le monde pense sur le campus, Greg, me confia t-elle. On pense que je suis le genre de fille qui s’envoie en l’air facilement, au gré de ses envies, en toute discrétion. On me voit souvent en charmante compagnie, alors on s’imagine que j’ai une vie sexuelle intense et cachée. Bien sûr, ça me fait sourire, dans le fond, et je ne cherche même pas à démentir… Mais comprends juste une chose : je mise tout sur ma réussite scolaire et professionnelle, et une relation amoureuse, c’est bien la dernière chose dont j’ai besoin en ce moment…

Du bout du doigt, je fis le parcours de son profil, partant de la naissance de ses seins pour atteindre ses hanches.

- J’ai juste une pensée émue pour tous ces pauvres types qui en pincent pour toi au point d’en oublier leurs études et repiquer tous leurs partiels, ai-je murmuré, moqueur.

Je distinguais difficilement les contours de son visage, mais j’ai deviné qu’elle souriait.

- Tant pis pour eux, a-t-elle répondu. Je suppose que tu aimerais savoir pourquoi je t’ai choisi, toi, et pas un autre ?

J’ai fait mine de réfléchir. Dans le noir ses yeux scintillaient, me scrutaient avec amusement.

- Mon ego n’a pas tellement besoin d’être flatté, mais on va dire que je suis curieux… Serait-ce parce que j’ai été déclaré le jeune médecin le plus prometteur de ma promo ? Parce que ma notoriété sexuelle est immense sur le campus ? Ou peut être parce que je viens de remporter le pactole au Casino ?

Toujours amusée, elle a secoué négativement la tête. S’est encore rapprochée de moi.

- Je n’ai pas une grande estime pour les hommes qui gagnent, tu devrais le savoir. Encore moins pour les coureurs de jupons… Par contre j’ai un petit faible pour ceux qui ont des dons enfouis et cherchent à les mettre à l’épreuve. Je vais juste t’avouer que tu m’avais un peu tapé dans l’œil, mais que rien n’était vraiment prémédité, disons, avant ce soir… ça te convient ?

Ses lèvres ont frôlé les miennes, d’abord timidement, puis de plus en plus avidement. Nos corps se sont resserrés et le mien s’est embrasé à nouveau, pour la troisième fois cette nuit là. Il m’était quasi impossible de maîtriser mon désir pour elle. Elle le savait, et en jouait à merveille.

- Disons que ça me convient… Ai-je murmuré. Mademoiselle Lisa Cuddy, en tant que tuteur et ancien du campus, je vous accorde le privilège de perdre légitimement votre virginité, dans l’état de votre choix, avec quelqu’un qui vous plaise. »

A la manière dont elle a ri en m’attirant contre elle, j’ai su qu’elle approuvait.

***

J’ai quitté Cuddy à l’aube, un peu après avoir rédigé ma lettre à John House. Il était convenu que nous nous retrouverions un peu plus tard, pour prendre un café au drugstore du coin, avant de filer vers le Mexique. Nous voulions faire en sorte de ne pas éveiller les soupçons de Prescott.

Nous avons échangé un dernier baiser, sur le pas de la porte. Tandis que mes mains s’égaraient encore sur sa cambrure, je lui demandais de se tenir prête, de veiller à ne pas se rendormir, parce que nous avions pas mal de chemin. Elle se contenta de m’enlacer, de poser sa tête contre mon épaule et de demeurer un instant ainsi, sans bouger. J’hésitais un peu avant de l’encercler de mes bras à mon tour. Je trouvais cet au revoir un peu démesuré, compte tenu des circonstances. N’allions nous pas passer nos vacances ensemble ? Je mis cela un peu rapidement sur le compte des émotions accumulées durant la nuit, mais au fond de moi, je pestais de devoir m’arracher à son étreinte. Je me promis de régler bien vite le problème avec Prescott. Il aurait bientôt à choisir entre passer ses vacances seul ou supporter ma relation avec Cuddy.

Une fois dans ma chambre, je dormis peu, évidemment. Une heure ou deux, tout au plus. D’une part, Prescott ronflait comme un sonneur, et d’autre part, chaque fois que je fermais les yeux, cet état cotonneux qui précède l’endormissement me renvoyait à la frénésie de la nuit passée. J’aurais effectivement donné très cher pour pouvoir la terminer au chaud, dans les bras de Cuddy. Ce ne fut que la perspective d’autres moments de ce genre qui m’apaisèrent et m’aidèrent à trouver le sommeil.

Vers dix heures, après une douche salvatrice, je me rendis au drugstore, où Prescott m’attendait. Devant un copieux petit déjeuner, je lui expliquais dans les détails la manière dont j’avais remporté mes 250 000 dollars. Il me fut impossible de savoir si son enthousiasme était réel, ou s’il était simplement heureux de pouvoir prochainement récupérer la somme qu’il m’avait prêtée durant l’année universitaire. Histoire de maintenir le doute, je lui demandais de régler l’addition du restaurant.

« Le total m’a été remis en chèque, me suis-je défendu devant son regard meurtrier.

(Ce qui était faux, évidemment. J’avais demandé au casino à ce qu’on me restitue 10 000 dollars en petites coupures, pour mes faux-frais.)

Vers 10h30, Cuddy n’était toujours pas apparue. Prescott s’agitait en regardant sa montre.

- Qu’est ce qu’elle fout, Bon Sang ! S’étonna t-il, au comble de l’énervement. Ca ne lui ressemble pas, d’être en retard…

- Elle aura eu un réveil difficile ? Ai-je avancé, laconiquement.

- On ne va pas rester ici à l’attendre. On n’a qu’à aller garer la caisse devant sa chambre de motel et l’appeler…

J’approuvais. Je commis seulement l’erreur de passer prendre au comptoir, sous les yeux de Prescott, un café supplémentaire et un donut, dans un brown-bag, que je payais comptant.

- C’est pour elle, expliquais-je à Prescott, éberlué. Elle a sûrement du mal à se lever. Elle déjeunera en route…

- Je croyais que tu n’avais pas de liquide sur toi ! Glapit-il.

- Ce que tu peux être mesquin, quand tu t’y mets ! M’exclamais-je en m’éloignant nonchalamment au dehors, mon sac sous le bras.

Quelques minutes plus tard, je garais le Dodge devant la chambre de Cuddy. J’observais les stores encore baissés. J’imaginais, un sourire au coin des lèvres, qu’elle devait encore lézarder au milieu des draps froissés. J’hésitais un instant, puis actionnais le klaxon de la voiture qui diffusa dans les airs sa longue plainte modulée. A mes côtés, sur le siège passager, Prescott fulminait.

- Elle n’a même pas l’air d’être levée ! S’écria t-il.

Au troisième coup de klaxon, la porte s’entrouvrit. Cuddy fit son apparition dans une robe bleue, légère. Elle marcha lentement vers la voiture. Prescott baissa la vitre et la héla d’un ton sarcastique :

- Le carrosse de Princesse Lisa est avancé ! Est-ce que madame aurait l’obligeance de venir y poser les valises qui sont restées dans sa suite ? Lui dit-il.

Toujours avec lenteur, elle s’approcha de la vitre ouverte, côté passager, et se pencha légèrement pour nous parler. Je notais immédiatement la pâleur alarmante de son visage.

- Désolé, annonça t-elle avec un sourire forcé. Mais mon voyage s’arrête ici. Pour le reste du trip, j’ai décidé de vous laisser entre mecs…

Prescott, bouche bée, se tourna brièvement vers moi, avant de se tourner à nouveau vers Cuddy. Pour ma part, je n’avais pas quitté –en apparence- la route des yeux, pendant cette déclaration.

- Comment ça ? Demanda t-il. Vous ne venez plus avec nous au Mexique ?

- C’est exactement ce que je viens de dire, l’entendis-je répondre posément. J’ai décidé de rentrer dans le Michigan par mes propres moyens.

Prescott ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son n’en sortit. Le silence se fit lourd. Je pouvais sentir le poids du regard de Cuddy qui cherchait désespérément le mien. Je ne lui fis pas ce plaisir. Un tic nerveux se mit à tressauter sur les méplats de ma mâchoire.

Ce fut Prescott qui rompit le silence en frappant le tableau de bord du plat de la main :

- T’entends ça, Greg ? Essaie de la raisonner, toi ! Supplia t-il.

En guise de réponse, je baissais les yeux vers mon volant et mis le contact. Cuddy n’avait pas bougé, guettant sans doute ma réaction.

- Boucle ta ceinture. » Ordonnais-je à Prescott stupéfait.

Il le fit. Mon ton était sans appel. Il se pencha néanmoins une ultime fois, dans le but de parler à Cuddy, et c’est le moment que je choisis pour démarrer en trombe. Les roues du Dodge patinèrent un peu sous la brutalité de l’accélération, soulevant derrière elles un épais nuage de sable.

Il n’osa plus parler devant la noirceur soudaine et incompréhensible de mon regard. Les mains crispées sur le volant, je lançais un coup d’œil dans le rétroviseur. Dans l’angle étroit, juste au-dessus de mon front barré d’une ride féroce, m’apparut la silhouette de Cuddy, dont la robe azur ondulait, contrastant avec l’ocre de la poussière. Sur plusieurs centaines de mètres, je l’observais. En fait, jusqu’à ce qu’elle prenne tour à tour la taille d’une minuscule figurine, puis d’un microscopique point bleuté dans le lointain. A un moment, il me fallut bien admettre que l’horizon qui défilait devant moi était bien plus bleu. A contrecoeur, j’abandonnais le rétroviseur pour ne me concentrer que sur ma route.